Façonner le microbiote du porcelet par l’intermédiaire de la truie

Le microbiote pourrait-il faire partie de notre patrimoine génétique ? Il est admis que c’est l’exposition précoce au microbiote environnemental (par le vagin, la peau, l’intestin et le lait de la mère) qui façonne principalement le microbiote digestif des mammifères nouveau-nés. Des études récentes sur le microbiote réalisées par le Centre d’excellence Lallemand dédié aux porcs indiquent qu’avant la naissance, la modulation du microbiote des truies par l’alimentation, dans ce cas avec la supplémentation en probiotique Saccharomyces cerevisiae var. boulardii CNCM I-1079 (LEVUCELL SB), pourrait influencer le microbiote des porcelets jusqu’au sevrage et même plus tard. L’intérêt est d’aider les nouveau-nés à mieux se préparer pour affronter le stress du sevrage. Ce concept est connu sous le nom d’« empreinte maternelle ».

Résultats préliminaires

Une première expérience (Achard, et al., 2019) montre que la supplémentation en S. boulardii module le profil du microbiote des truies et que cette modulation se répercute sur les porcelets. Il est particulièrement intéressant de constater que le phylum Fibrobacteres était significativement plus abondant dans le microbiote des truies ayant reçu la levure probiotique.
De plus, la fréquence de détection de l’espèce Fibrobacter intestinalis, en particulier, était plus élevée chez les porcelets en post-sevrage sevrés de mères ayant reçu le probiotique. Cette espèce bactérienne participe à la dégradation de la cellulose d’origine végétale (fibres) dans l’intestin et pourrait être liée à une meilleure utilisation des aliments.

Cette étude a montré la capacité des levures vivantes à moduler de manière significative le profil du microbiote des truies, avec un effet positif ultérieur sur le microbiote des porcelets allaités et en post-sevrage.

Nouvelle étude

Dans cette nouvelle étude (Achard, et al., 2021), la composition microbienne des échantillons fécaux des truies et des porcelets a été caractérisée en utilisant le séquençage du gène de l’ARNr 16S.

Figure 1: Schéma expérimental. Seules les truies ont reçu les probiotiques tout au long de la gestation et de la lactation.

La progéniture à l’image de la mère !

La diversité bêta permet d’illustrer la variation de la composition microbienne entre les groupes d’échantillons*. La Figure 1, sur laquelle chaque point représente la composition d’un échantillon fécal, montre que le profil du microbiote des truies gestantes est influencé par la supplémentation en levures vivantes et que cette différence est reproduite de façon encore plus marquée chez les porcelets nouveau-nés.

De façon tout à fait remarquable, cette différence reste visible sur le microbiote des porcelets six jours après la naissance et encore cinq jours après le sevrage.

Cette étude confirme le concept d’« empreinte maternelle » dans le contexte de l’établissement du microbiote. L’administration de S. boulardii chez les truies s’est montrée efficace pour stabiliser le profil microbien digestif des truies lors de la mise bas. Cette modulation microbienne va bien au-delà de la mise bas et permet une modulation ultérieure du microbiote des porcelets jusqu’à la phase de post-sevrage. Cela présente la possibilité d’une intervention précoce par une supplémentation de la mère en probiotiques, afin d’équilibrer le profil microbien des nouveau-nés et des porcelets en post-sevrage.

“La modulation du microbiome intestinal des porcs par des probiotiques en vue de maintenir un microbiome sain représente un outil prometteur pour limiter l’utilisation des médicaments tout en améliorant les performances post-sevrage.“

Gauche: Diversité bêta du microbiote des échantillons fécaux de truies témoins ou supplémentées en LEVUCELL SB, 110 jours de gestation. Droite: Diversité bêta du microbiote des échantillons fécaux de porcelets de six jours nés de truies témoins ou supplémentées en LEVUCELL SB.

*La diversité bêta représente la similarité de la composition du microbiote entre les échantillons. La diversité bêta entre les groupes d’échantillons est évaluée par ordination, à l’aide de plusieurs tests statistiques comme PERMANOVA, ANOSIM ou Mantel. Elle envisage le contenu du microbiote de différentes manières (présence-absence, abondance, phylogénétique) pour distinguer les échantillons les uns des autres. Une moindre divergence de la diversité bêta entre deux échantillons indique une plus grande similarité du microbiote.